L’autonomie en douce : occuper des champs de compétence sans changement constitutionnel majeur

Autonomie gouvernementale | Droit autochtone | Loi sur les indiens

La reconnaissance d’un droit constitutionnel à l’autonomie autochtone est un objectif poursuivi par de nombreuses communautés depuis longtemps. À l’exception des traités récents, la constitution canadienne n’a pas encore officiellement reconnu la réalité selon laquelle les communautés autochtones sont des sociétés autonomes. Bien que les changements constitutionnels majeurs s’échelonnent parfois sur de longues périodes, il existe aujourd’hui quelques façons pour les collectivités d’affirmer leur autonomie gouvernementale, même si elles sont encore assez limitées.

Certaines collectivités s’appuient sur la législation canadienne existante pour étendre leurs compétences et également déployer la police pour faire appliquer leurs lois. Bien que la Loi sur les Indiens soit ouvertement coloniale, les collectivités disposées à utiliser le système des conseils de bande que cette loi prévoit peuvent se servir de pouvoirs inclus dans cette loi en guise d’outils pour exercer leur autonomie gouvernementale.

L’esprit d’initiative combiné à des négociations entre gouvernements peut aussi conduire à une forme d’autonomie gouvernementale. Certaines communautés se sont organisées pour revendiquer une compétence complète sur une question qui leur est particulièrement importante, si bien que des tribunaux ont reconnu la réglementation autochtone concernant des questions aussi diverses que l’utilisation des ressources naturelles et le jeu en ligne, dans des circonstances différentes.

Règlements

La Loi sur les Indiens permet au conseil de bande d’adopter des règlements qui ont le même pouvoir que des lois fédérales canadiennes. Cela signifie que les tribunaux peuvent reconnaître et faire appliquer la législation adoptée par des conseils de bande, et que les lois provinciales sur les mêmes sujets peuvent devenir inapplicables.

Le paragraphe 81 (1) de la Loi sur les Indiens énumère 21 sujets sur lesquels les conseils de bande sont habilités à adopter des règlements dans les réserves. Ces sujets relèvent principalement de la compétence municipale – zonage des terres, réglementation du trafic et contrôle des animaux -, mais il y a aussi quelques pouvoirs de nature provinciale, comme les règles concernant les droits des conjoints. Il existe également un pouvoir général d’adopter des règlements «à l’égard de toute question résultante ou accessoire» de la liste des pouvoirs qui pourraient être utilisés pour faire valoir d’autres compétences.

Dans certaines circonstances, ils peuvent aussi être en mesure de déroger aux lois fédérales et provinciales. Dans un cas, le tribunal a accepté qu’un règlement sur la protection de l’enfance, adopté par une Première Nation, ait écarté l’application des lois provinciales sur les réserves: Sims v Spallumcheen Band Council (1998) CanLII 3701. Les tribunaux n’ont pas encore reconnu qu’un règlement puisse prévaloir sur les lois fédérales, mais ne l’ont pas exclu: St Mary’s Indian Band c. Canada (ministre des Affaires Indiennes et du Nord canadien) (TD), 1995 CanLII 3525 (F).

Les règlements ne doivent plus être approuvés par le gouvernement pour entrer en vigueur, mais ils doivent être publiés et doivent respecter la Charte et les lois en matière de droits de la personne. Une fois qu’ils sont en vigueur, ils peuvent être appliqués par des agents de police désignés de la bande, ou de façon discrétionnaire par des policiers provinciaux ou de la GRC. La rédaction soigneuse des règlements facilite leur application et fait en sorte qu’ils sont plus susceptibles de prévaloir sur les lois fédérales ou provinciales correspondantes.

Les conseils de bande sont également habilités à édicter des lois en vertu d’autres articles de la Loi sur les Indiens ainsi que d’autres lois, par exemple, sur la fiscalité, les substances toxiques, l’administration financière, la gestion des terres et le logement pendant la rupture de la famille. Ces lois comprennent la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, la Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, la Loi sur la gestion des fonds du pétrole et du gaz des Premières Nations, etc. Les règles sur la façon d’adopter ces lois varient en fonction de la loi sur laquelle elles s’appuient.

 

L’esprit d’initiative

Certaines communautés ont trouvé d’autres façons de faire reconnaître leurs lois par le gouvernement. En occupant effectivement un champ de compétence et en s’acquittant des formalités prescrites tant pour leurs membres internes que pour le système juridique canadien externe, leur pouvoir législatif a été reconnu à divers degrés sur des questions qui leur sont importantes.

Un exemple est la Cour de Justice inhérente de la communauté mohawk d’Akwesasne. Il s’agit d’une cour formelle avec des juges nommés qui siège dans la communauté. Du point de vue de la collectivité, elle fonctionne en vertu d’un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale à régler les différends entre les membres de la collectivité. Du point de vue du ministère public, les juges de la Cour de justice inhérente sont des juges de paix nommés en vertu de l’art. 107 de la Loi sur les Indiens pour faire appliquer les règlements administratifs et certaines infractions du Code criminel. Indépendamment de la façon dont l’autorité du tribunal est interprétée, la Cour fonctionne comme un moyen pour la communauté d’exercer ses pouvoirs d’autonomie gouvernementale pour juger et faire appliquer une grande variété de lois.

Un autre exemple est celui de la rivière Restigouche où une communauté Mi’gmaq a adopté ses propres lois pour réglementer la pêche. La pêche au saumon, qui se trouvait hors des réserves, faisait l’objet de pressions depuis des décennies et la collectivité estimait que, en vertu des lois québécoises, les poissons étaient toujours en péril et qu’ils étaient toujours les derniers à y avoir accès. Ils ont consulté la communauté lors de réunions, fourni un fort soutien technique et adopté des lois conformément à leurs traditions et par le biais de leur conseil de bande. Au départ, Québec a dit qu’ils ne pouvaient pas agir ainsi. Toutefois, Québec et la Première Nation ont finalement conclu un accord qui reconnaît et finance le système Mi’gmaq.

À l’autre extrémité du spectre est la communauté mohawk de Kahnawake, qui a adopté des lois pour réglementer le jeu en ligne. Bien que le gouvernement du Québec ne reconnaît pas la validité des lois sur le jeu des Mohawks, il n’a pas tenté de les contester. Ils se sont retrouvés devant le tribunal après que l’autorité de jeu mohawk a été poursuivie par un homme dont la demande de permis avait été refusée. Dans l’arrêt Horne c. Kahnawake Gaming Commission, 2007 QCCS 4897, le juge a simplement interprété la loi mohawk comme n’importe quelle autre loi et a confirmé la décision de ne pas accorder le permis.

Pour d’autres collectivités, le chemin vers la reconnaissance de compétence est la négociation directe avec le gouvernement. Les accords négociés ne doivent pas nécessairement mener à des traités. Si une question revêt une importance particulière pour une collectivité, il peut être possible de négocier assez rapidement un accord avec un seul palier de gouvernement, tout en gardant la possibilité de négocier des traités par la suite. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, en Colombie-Britannique et en Ontario, les collectivités ont travaillé ensemble pour mettre sur pied des ententes provinciales en matière d’éducation.

Les règlements ne doivent plus être approuvés par le gouvernement pour avoir force de loi, mais ils doivent être publiés et doivent respecter la Charte et la législation sur les droits de la personne. Une fois qu’ils sont en vigueur, ils peuvent être exécutés par des agents de police désignés de la bande, ou par des agents provinciaux ainsi que par la GRC sur une base discrétionnaire. La rédaction soigneuse des règlements permet de s’assurer qu’ils sont exécutoires et les rend plus susceptibles d’être en mesure d’écarter les lois fédérales ou provinciales sur les mêmes questions.

Les conseils de bande sont également habilités à créer des lois dans d’autres articles de la Loi sur les Indiens ainsi que d’autres lois, par exemple, sur la fiscalité, la toxicomanie , l’administration financière, la gestion des terres et le logement lors d’une rupture familiale. Ces lois comprennent la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, la Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, la Loi sur la gestion des terres des premières nations, la Loi sur la gestion des fonds du pétrole et du gaz des Premières Nations, etc. Les règles sur la façon d’adopter ces lois varient en fonction de l’acte sur lequel elles reposent.

 

De nombreux chemins

Mettre en place une stratégie visant à obtenir à la fois la reconnaissance de la communauté et du gouvernement extérieur des lois autochtones signifie devoir s’unir en tant que communauté pour faire les choses correctement. Quelle autorité gouvernementale a le pouvoir de prendre des décisions au sujet de cette loi? Qui doit la suivre? Quelles informations doivent être recueillies, et qui doit être consulté avant que la loi ne puisse être adoptée? Qui en fera l’application, comment, et quelles sont les ressources nécessaires?

Il existe une variété de chemins que toute communauté autochtone peut choisir d’emprunter. Une collectivité qui peut consacrer ses ressources à faire valoir sa compétence sur un sujet qui lui est cher peut arriver à écarter le contrôle canadien au fil du temps. Le système de la Loi sur les Indiens, qui est imparfait, peut constituer un moyen utile pour les communautés d’affirmer leur autonomie tout en attendant que la constitution canadienne rattrape la réalité de l’autonomie gouvernementale autochtone.

par Maggie Wente and Sarah Colgrove

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